La Cour des Comptes a une nouvelle fois épinglé le gouvernement sur la tenue de ses objectifs de réduction de déficit, à la fois pour 2013 et même pour 2014. Jean-Marc Ayrault a dès à présent annoncé que 14 milliards d'euros seront ponctionnées dans les dépenses associées à la loi des finances de 2014. Le chômage est au plus haut, la récession est déclarée, vouloir à nouveau s'attaquer au déficit ne serait-il pas désormais dangereux ?
Des prévisions de croissance à la baisse
Le gouvernement espère pour 2014 une croissance de 1,2%, toutefois cette prévision semble déraisonnée vis à vis de la tendance actuelle. La Cour des Comptes s'appuie d'avantage sur la prédiction de l'OCDE, c'est à dire une croissance de 0,7%. Initialement prévu à 2,9%, le déficit 2014 devrait alors se chiffrer à 3,5 %. La France s'est engagée à l'encontre de ses partenaires européens à réduire son déficit public à 3% du PIB, le gouvernement a jusqu'à 2015 pour réaliser et pérenniser cet effort. Néanmoins, à coté de cela l'Espagne va réaliser un déficit de 6.5% du PIB en 2013, il y a une Europe à deux vitesses.
La Cour des Comptes est aveugle
Malgré les corrections sur les prévisions de croissance, la Cour des Comptes dresse un portrait assez encourageant de la politique menée par le gouvernement, et souligne que l'exécutif suit la bonne voie. En effet, jusqu'à présent le gouvernement a surtout appuyé sur des hausses d'impôts, pour l'année 2013 ça sera un effort de 2 points de PIB qui sera demandé, et en 2014 ce sera 1 point. Par contre, en 2014 le gouvernement entend ne toucher quasiment que les dépenses, environ 80% de l'effort ne sera porté que sur la réduction des dépenses publiques.
La Cour des Comptes demande au gouvernement de réaliser sur les dépenses : « un freinage à effet immédiat ». Les mesures proposées par la Cour des Comptes sont dangereuses, notamment le gel du point d'indice des fonctionnaires (déjà décidé par le gouvernement), la sous indexation des pensions de retraite ou encore des prestations familiales. Sont visés aussi les aides au logement, ou encore les indemnités chômage. François Hollande a lui même évoqué que le nombre de fonctionnaires n'était pas une variable d'ajustement, donc ce sera les salariés du privé, et les chômeurs qui seront les plus touchés. Ce sont des mesures d'appauvrissement qui défavorisent une reprise de consommation, et donc de croissance. Il faut savoir quel est l'objectif, la réduction des déficits, ou la reprise de la croissance ?
Sur les 150 pages que compte le rapport fourni par la Cour des Comptes, nous notons seulement la présence d'une seule page (115 pour les curieux) évoquant les multiplicateurs. Et de surcroît, ce n'est qu'une comparaison entre le multiplicateur des dépenses et celui des recettes. Les estimations de ces multiplicateurs sont inférieures à 0,5, qui sont très certainement de mauvaises estimations. Pour comprendre ce que c'est qu'un multiplicateur, prenons un exemple, celui des dépenses. Si je baisse les dépenses de l'ordre de 1 point de PIB, et que le PIB diminue de 1 point, cela signifie que mon multiplicateur vaut 1. Par contre si à nouveau, je diminue les dépenses d'un point, et que le PIB diminue de deux points, ça signifie que mon multiplicateur vaut 2. Dans notre cas, avec un multiplicateur inférieur à 0,5, cela signifie que si on diminue les dépenses d'un certain montant, l'impact sur le PIB sera au moins deux fois inférieur.
L'estimation des multiplicateurs dans une économie ouverte comme la notre est très difficile, et pourtant c'est là dessus que le gouvernement ou la Cour des Comptes fondent leurs estimations de croissance ou de déficit. Mais dans des périodes de déflation marquée par une récession ou une stagnation, on sait empiriquement que les multiplicateurs sont très forts. Et c'est là le drame, car la Cour des Comptes les sous-estime, donc favorise les mesures de rigueur. Le gouvernement opère ces mesures, s'attend à une faible perte de croissance puisque les multiplicateurs sont estimés comme faibles, et au final c'est la récession, et on se demande pourquoi on se trompe toujours. Un rapport du FMI déclare lui même que les multiplicateurs keynésiens sont forts dans les pays occidentaux actuellement. Et même, nous pourrions bénéficier de ces multiplicateurs élevés pour relancer la croissance tant qu'il en est encore temps.
En conclusion, la politique prônée par la Cour des Comptes est probablement fondée sur des estimations erronées. Et d'autant plus que même erronées, la Cour des Comptes ne semble même pas ce soucier des multiplicateurs, raison pour laquelle nous observons systématiquement des différences négatives entre les estimations et les réalisations des déficits.