Rejoindre la communauté
banner_forum
Devenez membre de la plus grande
communauté francophone sur le Forex
Partagez, échangez et apprenez en gagnant des crédits sur votre compte de trading

Centrales à sels fondus: l’avenir du nucléaire?

  • Kevinshik

    Meilleure utilisation des ressources, réduction des déchets, sécurité améliorée... Les réacteurs de génération IV, présentés comme le futur de la filière nucléaire, suscitent beaucoup d'espoirs. Encore à l’étude, ils pourraient succéder un jour aux réacteurs de type EPR (« génération III »), eux-mêmes plus performants que les réacteurs à eau pressurisée du parc nucléaire actuel. Daniel Heuer travaille sur l'un des six concepts retenus en 2008 par le Forum international génération IV, qui a fixé les grandes orientations en la matière : le réacteur à sels fondus, associé au cycle thorium. Quels sont précisément les avantages de cette nouvelle technologie ? Va-t-elle trouver sa place dans la filière ?

    Comme l’uranium, le thorium est un élément de la famille des actinides, des métaux lourds radioactifs. Naturellement présent à la surface de la Terre, il y serait d’après les dernières estimations trois fois plus abondant que l’uranium. L’Inde, la Turquie, le Brésil en possèdent d’importantes réserves. Il n’est pas fissile, c’est-à-dire que sous sa forme naturelle il ne peut subir la réaction de fission nucléaire. Il est cependant capable, en absorbant un neutron, de se transformer en uranium 233, un très bon combustible fissile. C’est sur ce mécanisme que repose la conception des centrales au thorium, dont le principe est connu depuis les années 1950.

    Le réacteur étudié à Grenoble, qui n’existe aujourd’hui qu’à l’état de concept théorique, a en outre la spécificité de fonctionner avec un combustible liquide : le thorium est dissous dans les sels fondus qui circulent dans le cœur du réacteur.

    ParisTech Review. Le réacteur à sels fondus associé au cycle thorium, parfois nommé MFSR (Molten Salt Fast Reactor, réacteur à sels fondus à spectre rapide) est un nouveau venu dans les réacteurs de quatrième génération. Quels sont ses avantages ?

    Daniel Heuer. L’intérêt principal du MSFR, c’est la sécurité qu’offre le combustible liquide. Un réacteur de ce type est en effet extrêmement stable. Cette stabilité est liée au phénomène de dilatation des liquides qui se traduit, dans le cas d’un réacteur à combustible liquide, par un mécanisme autorégulateur : lorsque le cœur chauffe un peu trop, le combustible se dilate et s’échappe pour aboutir dans une zone prévue à cet effet, une sorte de trop-plein. Il sort ainsi de la zone de réaction. Quoi qu’il arrive, il se stabilise ainsi au maximum en quelques dizaines de secondes.

    Deuxième avantage en termes de sécurité : en cas de situation dangereuse, l’état liquide du combustible permet de vidanger le cœur, c’est-à-dire de déplacer le combustible pour le mettre à l’abri. Nous savons qu’à Fukushima, c’était tout le problème : le système de refroidissement de la centrale ne fonctionnait plus, et le combustible est resté dans le cœur du réacteur, continuant de chauffer à cause de la puissance résiduelle. Dans le cas d’un combustible liquide, quand vous êtes dans une telle situation, il suffit de vider le combustible du cœur pour le stocker dans des réservoirs. Ceux-ci sont conçus pour évacuer la chaleur de manière totalement passive.

    Cette vidange est facilitée par l’existence de ce que nous appelons des bouchons froids : lorsque l’électricité est coupée, ces bouchons fondent et libèrent le liquide. Il n’y a aucune manipulation à faire : en situation accidentelle, le réacteur se vide en quelques minutes.

    Les avantages que vous décrivez sont liés à l’état liquide du combustible, quel qu’il soit. Quel est l’intérêt de choisir précisément le thorium ?
    Le thorium permet d’obtenir un réacteur « régénérateur » : une fois amorcé, le réacteur est capable de régénérer la matière fissile qu’il consomme lors de la réaction de fission.

    La régénération n’est réalisable qu’avec deux combustibles, l’uranium et le thorium. Si, en outre, vous voulez utiliser un combustible liquide, le thorium se trouve être le meilleur choix. Mais en s’affranchissant de la contrainte de la régénération, il est possible d’utiliser n’importe quel combustible à l’intérieur du MSFR. C’est un autre avantage, lié à la stabilité du réacteur.

    Cela signifie qu’on peut utiliser différents combustibles au fil du temps, en fonction de ce qui est disponible et de ce que l’on souhaite utiliser. En particulier, il est possible de l’alimenter avec tous les actinides produits par les réacteurs actuels, comme le plutonium.

    Concrètement, cela veut dire qu’on pourrait y brûler certains des déchets nucléaires que l’on stocke actuellement ?

    Absolument, à l’exclusion des produits de fission dans lesquels il n’y a plus d’énergie. Les produits de fission, rappelons-le, sont les atomes issus de la fission des atomes d’uranium et de plutonium. L’essentiel des déchets autres que les produits de fission sont les actinides. Ils sont très toxiques et leur durée de vie est très longue, il est donc spécialement intéressant de les recycler au lieu de les stocker.

    Prenons l’exemple du MOX. Ce combustible, produit à partir de plutonium et d’uranium appauvri, a été conçu comme un moyen de recycler le plutonium, mais il est très difficile à retraiter une fois usé, c’est-à-dire irradié en réacteur. Le MOX irradié, dont on ne sait pas quoi faire actuellement, pourrait être utilisé dans des réacteurs MSFR. Le réacteur devient alors un incinérateur, qui a en outre l’intérêt de produire de l’électricité.

    Source : Paristechreview