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L’austérité, et après ?

  • Kevinshik

    La crise de l'euro n'est pas terminée, et de son issue dépendra le futur de l'économie mondiale. Le Fonds monétaire international, redevenu un acteur majeur depuis que la crise financière a éclaté en 2007-2008, est lui-même engagé dans une redéfinition de ses missions et de son actionnariat. Sa directrice générale a accordé à Knowledge@Wharton et ParisTechReview une interview exclusive, abordant sans tabou les sujets les plus chauds du moment.

    Nous avons appris la semaine dernière que l’Italie et l’Irlande sont toutes deux à nouveau en récession. Quelles conséquences cela pourrait-il avoir? Après le retour à l’optimisme des derniers mois, faut-il à nouveau s’inquiéter pour l’économie mondiale?

    Christine Lagarde: Dans le contexte de cette fragile reprise à laquelle nous assistons depuis janvier, nous avons toujours considéré que l’Europe et la zone euro en particulier passeraient par une légère récession. Les pays concernés aujourd’hui sont clairement l’Irlande, la Grèce, le Portugal et l’Italie. Mais cela n’est pas une surprise. Cela fait partie d’un processus que nous avions anticipé et intégré dans nos prévisions pour 2012.

    A ce propos, l’austérité a été l’un des principaux leviers politiques utilisés en Europe pour faire face à la crise. Pensez-vous que les dirigeants européens sont allés trop loin dans la rigueur? Ne pourrait-on trouver un meilleur équilibre entre l’austérité et la relance?

    Il est clair que si tout le monde mène des mesures d’austérité à la même allure, cela fait courir des risques à l’ensemble de la région. Ce que nous avons systématiquement préconisé, depuis plus de six mois, c’est qu’il devrait y avoir un équilibre adéquat dans la zone, en particulier entre les économies les plus avancées. Nous avons également besoin d’un bon équilibre entre les mesures d’austérité, qui sont nécessaires, et des mesures facilitant la croissance. Il n’est pas question de loger tout le monde à la même enseigne, d’imposer les mêmes politiques à tous. Certains pays peuvent se permettre de relâcher un peu les efforts d’austérité qu’ils avaient entrepris. D’autres ne peuvent pas assouplir les politiques de rigueur suivies jusqu’à présent. La Grèce, mais aussi l’Italie, sont assurément parmi les pays qui ne devraient pas relâcher leurs efforts.

    Est-ce à dire que vous donnez un peu de latitude à l’Espagne?

    Je ne peux pas vraiment raisonner en termes de latitude. Certains pays doivent mener une politique très, très brutale, pour réduire leur déficit et mettre de l’ordre dans leurs finances publiques. C’est clairement le cas de la périphérie du noyau de la zone euro. Vous avez ensuite des pays qui sont à peu près à l’équilibre et où vous pouvez simplement laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Ils peuvent laisser croître les dépenses liées au système de protection sociale, et ne pas compenser la réduction des revenus due à leur situation économique. Et il y a enfin d’autres pays – pas beaucoup, malheureusement – qui peuvent ralentir le rythme, se détendre, et s’en remettre au retour de la croissance. Un ou deux grands pays européens pourraient sans doute regarder dans cette direction.

    En d’autres termes, êtes-vous d’accord avec la façon dont on recherche les équilibres budgétaires en ce moment?

    Pour ce qui est du diagnostic, je pense effectivement que l’austérité ne devrait pas être l’objet exclusif de l’attention. Cela ne devrait pas être le thème général sous-jacent de la politique économique dans toute la région. Je conviens aussi que la croissance est un facteur-clé, non seulement pour essayer de déclencher la reprise, mais aussi pour maintenir celle qui commence à se faire sentir dans certains pays. Sans elle, l’ensemble de l’exercice est extrêmement difficile.

    Peut-on se permettre trop d’austérité à court terme, plutôt que des efforts mieux répartis vers le moyen et long terme?

    Tout cela dépend de la situation. Il y a certains pays dans lesquels un ajustement brutal est nécessaire, s’ils veulent être en mesure de rebondir.

    Vous avez dit que l’Europe doit renforcer son intégration et accroître la taille de ses pare-feu.

    J’ai dit cela à un moment où personne ne semblait vraiment décider à se mettre autour de la table pour en discuter. Et maintenant…

    Ils sont là.

    Presque !

    La question qui se pose aujourd’hui, c’est à quoi ressemble une plus grande intégration économique? Quels en seraient les objectifs à moyen et à long terme?

    Cette relance de l’intégration est un développement récent. Elle était plus que nécessaire si l’on voulait consolider la zone monétaire. Nous avons vu récemment des éléments totalement inattendus, dont certains étaient presque inimaginables il y a encore 18 mois. Ce qui compte pour une meilleure intégration, c’est la combinaison d’une solide coordination budgétaire avec une véritable discipline imposée aux partenaires, y compris des sanctions qui ne sont pas seulement applicables en principe, mais qui sont effectivement appliquées si les règles sont violées.

    Vous pensez aux ratios des déficits publics et de la dette par rapport au PIB?

    Oui. Les Européens ont déjà ajouté quelques éléments à ce qui était déjà prévu dans le pacte de stabilité et de croissance, mais à ce stade les mesures pour s’assurer de la mise en œuvre restent insuffisantes. Ce qu’ils ont ajouté également, c’est une dimension préventive, ce qui peut effectivement être utile aux Etats membres engagés sur une trajectoire qui va les amener à violer les règles, comme les 3% de déficit et le 60% de dette par rapport au PIB. Donc, c’est une bonne chose.

    En termes d’amélioration de l’intégration, une institution a joué un rôle majeur ces derniers temps: la Banque centrale européenne. Tout d’abord, elle a réduit le niveau de collatéral exigé en contrepartie de ses prêts, afin d’assurer un meilleur service aux Etats membres. Ensuite, la BCE a fourni beaucoup plus de liquidités aux banques, non seulement pour qu’elles puissent se financer, mais aussi pour qu’elles puissent prêter aux marchés et contribuent ainsi à éviter un processus de désendettement négatif dont personne ne veut.

    L’intégration ultime qui serait souhaitable serait d’avoir une certaine forme de responsabilité solidaire. Cela pourrait être quelque chose comme les euro-obligations ou un instrument similaire qui permettrait aux pays de mettre en commun leurs emprunts. Les Européens n’en sont pas encore là. Je pense que certains d’entre eux devront d’abord améliorer leur situation et leur compétitivité. Ils devront rattraper les retards qu’ils ont subis ou qu’ils infligé eux-mêmes, parfois en faisant de mauvais choix, ou tout simplement en ne faisant rien. Une fois ce retard rattrapé, alors on peut espérer voir se mettre en place une plus grande intégration fiscale et une plus grande responsabilité conjointe.

    Source .paristechreview