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Que manque-t-il encore à l’Afrique ?

  • Kevinshik

    La croissance vigoureuse des économies africaines a démenti les pronostics pessimistes portés il y a quelques décennies, quand le continent croulait sous le poids de la dette. D'où vient la croissance africaine, quelles sont ses particularités, que manque-t-il encore à l'Afrique pour faire la course avec les grands émergents ?

    ParisTech Review. On parle souvent de l’Afrique au singulier. N’est-ce pas un abus de langage ?

    Lionel Zinsou. Il serait évidemment absurde de réduire à un modèle unique les 54 pays du continent, dont les spécialisations économiques et les niveaux de développement sont très variés. Mais l’idée d’une unité africaine n’est pas dénuée de sens, et il faut savoir qu’il s’agit d’une revendication formulée par les Africains eux-mêmes. Cette revendication s’exprime sous plusieurs formes : reconnaissance dans les institutions internationales, représentation au G20 (le siège de l’Afrique du Sud est à cet égard très important), pression pour obtenir un statut de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies… On peut noter aussi le rôle croissant joué par l’Union africaine. Addis-Abeba, où siège l’UA et où se trouve également la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU, apparaît ainsi comme la capitale du continent.

    Cette revendication d’unité répond à un mouvement d’intégration croissante au plan économique. Les pays africains échangent de plus en plus entre eux, et pas seulement des biens : les flux d’investissements directs étrangers à l’intérieur du continent sont également très dynamiques. Par exemple, les Sud-Africains investissent dans les télécoms, les mines d’or, l’agroalimentaire, et ils créent aussi des entreprises financières, notamment dans le private equity. Le Maroc investit dans la banque et les transports. L’Égypte se tourne vers le Soudan et l’Afrique de l’Est. Ces flux financiers transfrontaliers traduisent l’émergence de puissances régionales, capables d’exporter des capitaux. On peut y voir aussi, bien sûr, un signe des différences de développement.

    Ces différences de rythme traduisent-elles l’existence de différents régimes de croissance ? Plus largement, quels sont les facteurs qui expliquent le décollage économique du continent ?

    Il y a effectivement des régimes de croissance variables selon les pays, ce qui renvoie à la complexité des causes de la croissance : pour expliquer le dynamisme actuel de l’Afrique, on peut identifier plusieurs variables, qui se combinent différemment selon les pays. Essayons d’y voir plus clair.

    Ce qu’on met en avant, le plus souvent, c’est la hausse des prix relatifs des matières premières minérales et agricoles (produits alimentaires, coton). Il y a, c’est vrai, un trend de rareté sur un certain nombre de ces matières, dont les cours ont tendance à monter. Il faut savoir cependant que cette hausse est inégale : elle est faible sur le coton, un peu plus vigoureuse sur le café et le cacao, réelle mais volatile sur les hydrocarbures, et enfin elle est forte sur les terres rares et les métaux.

    Mais ce qui me semble tout aussi important, c’est qu’en même temps on assiste à une baisse du prix des produits manufacturés, qui sont encore largement importés. C’est donc ce double mouvement qui est intéressant : par rapport à il y a dix ans, avec une quantité donnée de coton ou de diamant, on peut acheter aujourd’hui davantage de machines-outils, d’équipements agricoles, de matériel pour développer des infrastructures… Le continent dans son ensemble présente ainsi depuis plusieurs années un excédent commercial. Le double mouvement de hausse des cours pour les productions locales et de baisse des prix pour les produits importés se traduit par un effet significatif en termes de pouvoir d’achat – ce qu’on appelle en économie les « termes de l’échange ».

    La deuxième grande variable, c’est que depuis une quinzaine d’années, les flux financiers sont positifs. C’est plus sensible au Maroc et moins au Bénin, mais c’est un mouvement qui touche l’ensemble du continent et qui me semble fondamental. Des années 1960 aux années 1980, on assistait au contraire à des sorties de capitaux. Aujourd’hui, c’est l’inverse.

    Source : Paris tech review